21/12 - 12h51
Mauresmo, la belle annéePour
www.fft.fr, Amélie Mauresmo retrace les principales étapes de sa saison 2006. De Melbourne à Londres en passant par Paris, retour sur la plus belle page de la carrière de la n°1 française. En attendant 2007…
L'OPEN D'AUSTRALIE"Si la balle de match avait eu lieu en finale, j'aurai gardé cette image-là. Mais là c'est surtout la demi-finale contre Kim Clijsters qui me revient.
C'était d'une intensité, d'un niveau de jeu et d'un engagement vraiment rares.Mes débuts à Melbourne avaient été difficiles. Je jouais très, très bien à l'entraînement en décembre mais ça avait du mal à se traduire sur le sol australien. Notamment grâce au double que j'ai joué avec Svetlana Kuznetsova, j'ai senti que les choses se sont mises en place.
Le huitième de finale contre Vaidisova a été un moment étrange. Je me suis réveillée en étant incapable de bouger la tête à cause d'un torticolis de folie. Michel Franco (son kiné) a fait des miracles. Mais la situation restait difficile. Et là, c'est peut-être l'une des premières fois de ma carrière où je ne me suis pas laissée dépasser par la douleur, par le fait de ne pas être à 100%. Depuis, c'est arrivé plusieurs fois cette année.
Après la demi-finale contre Kim, je suis vraiment vidée physiquement, je fais un petit malaise le soir. Le lendemain, je n'ai même pas joué du tout. Mais dans ma tête, je suis restée sereine parce que je savais que j'allais récupérer et que
j'étais capable d'aller au-delà de la douleur.Evidemment, le scénario de la finale n'a pas été le même qu'au Masters ou à Wimbledon. Mais j'étais assez émue. D'abord parce que
plus la quinzaine avançait, plus je me sentais bien, solide. Quelque part, je me disais : "Ça va être pour moi". Il y avait vraiment ce sentiment-là sur la deuxième partie du tournoi. Et puis en finale, j'étais en pleine domination. Ce qui fait que j'ai pris ce titre du Grand Chelem comme complètement acquis. Je le méritais. Si la finale avait eu une autre physionomie, que Justine Henin-Hardenne ait abandonnée alors qu'elle menait par exemple, ça n'aurait pas eu la même saveur. Là, dans le jeu, même si elle était diminuée physiquement,
je sentais que je maîtrisais mon sujet parfaitement, que ce soit mon jeu ou l'événement. Pour moi, c'était flagrant.
Finalement, j'avais peu de souvenirs de la finale de 1999, la manière dont ça s'était passée avant la finale, et même de la quinzaine. Là, c'était complètement différent. J'avais toute une carrière derrière moi, beaucoup plus de maturité, d'expérience et j'étais beaucoup plus consciente de ce qu'il fallait que je fasse.
LE RETOUR EN FRANCEAprès il y a eu les retrouvailles avec le public français à l'Open Gaz de France. Comment on se sent ? Tu planes. Depuis le Masters 2005, j'étais dans de superbes dispositions, physiquement, mentalement. C'était vraiment extraordinaire. J'avais vraiment hâte de rentrer sur le terrain à Coubertin, d'avoir cette communion avec le public français. C'était émouvant. C'est typiquement un tournoi où on peut se permettre de profiter de l'ambiance. En Grand Chelem ou dans des tournois un peu plus importants, on est toujours un peu partagé. Mais là, c'est un tournoi qui m'a toujours réussi, qui me tient à cœur et où je sais que je peux pleinement profiter de cette ambiance et de ce public qui vient spécifiquement pour voir du tennis féminin. Toute la semaine, ça a été vraiment extraordinaire. Il ne pouvait pas y avoir meilleur scénario.
WIMBLEDONL'image que je garde de Wimbledon, c'est la balle de match, le dernier moment. Je ne sais pas à quoi je pense, je ne sais pas ce que je me dis. C'est de l'émotion à l'état pur. Vraiment quelque chose de magique qu'on a l'occasion de vivre très peu de fois dans une vie. J'ai la chance de l'avoir vécu déjà quelquefois dans ma carrière. Et j'insiste : c'était superbe. C'était difficile de réaliser le soir et même le lendemain parce que c'est le temple du tennis, avoir deux Grand Chelem dans la saison. On commençait à me parler de petit Chelem ! Alors qu'un an avant, c'était : "Est-ce qu'elle va y arriver ?". Il y avait un tel décalage, c'était vraiment hallucinant. Voilà, c'était des moments d'émotion vraiment très forts, mais ça passe trop vite (sourire).
Contrairement à l'Australie, où je me sentais forte et que ce tournoi pouvait être le mien, Wimbledon c'était plus à tâtons. Et c'était plus inattendu.
Je sortais d'un moment difficile physiquement avant Roland. J'avais eu des petits pépins et je ne me sentais pas tout à fait prête. Dès les huitièmes à la finale, les matchs ont été accrochés et difficiles. Mais jouer sur herbe a été un facteur important.
Je ne mesure certainement pas la portée de cette victoire. Peut-être un peu plus aujourd'hui que sur le moment. Mais pas complètement. Tant mieux quelque part. Je vais continuer ma route. S'il se trouve qu'il y a d'autres titres du Grand Chelem sur mon passage, ça sera fabuleux. S'il n'y en a pas, tant pis. J'ai atteint mes objectifs. Mais comme on dit, l'appétit vient en mangeant. Je me tourne vers l'avenir, cette nouvelle saison et ces challenges qui m'attendent.
NUMERO UN MONDIALENeuvième plus long règne à la place de numéro un ? C'est pas mal. Je suis
devant Capriati, Sanchez ou Venus Williams ? Je ne m'en rends pas compte. Ce sont des données qui sont abstraites pour moi. Moi je me dis que ce que je fais est normal entre guillemets. Faire des tournois, c'est mon quotidien, ma routine. Et ce qui est incroyable, c'est de se dire que la résultante, c'est d'être au sommet de la pyramide mondiale. Quand j'y pense – souvent au cours des entretiens avec la presse d'ailleurs, je suis fière.
Comment qualifierais-je ma saison ? Extraordinaire, impensable. Globalement depuis le Masters 2005, j'ai surfé sur une vague de sérénité, de confiance et de qualité de jeu très élevée. J'ai battu 13 joueuses du "top 10". C'était important de passer un cap face aux grosses frappeuses comme Kim Clijsters, Justine Henin-Hardenne, Maria Sharapova, Lindsay Davenport, qui me posaient beaucoup de problèmes (et qui continueront parce qu'elles font partie des meilleures), d'avoir un ratio de victoires plus élevée. Sur cette saison, j'ai été au rendez-vous.
Aujourd'hui, je mesure vraiment le parcours qui a été accompli. Parce que j'ai mis du temps, parce que je suis passée par plein de phases : des critiques, des moments de découragement, de superbes moments aussi mais qui n'allaient pas au bout de ce que j'espérais. Et puis on se rend compte que je me suis construit petit à petit un jeu solide, un entourage solide, des bases solides. Ça aussi, c'est une autre fierté. En Australie en 1999, j'aurais pu gagner le titre. Mais je ne le méritais pas à ce moment-là.
CONTEMPORAINE DE ROGER FEDERERMe dire tout au long de cette saison :
"Je suis n°1 et c'est Roger Federer qui l'est chez les hommes", je n'osais même pas un instant me comparer à lui. Pour moi, c'est un génie, quelqu'un qui a quelque chose en plus. Il a une telle facilité, une telle fluidité. Tout est bluffant dans ce qu'il fait. Physiquement, techniquement, dans sa gestion des événements, c'est un martien pour moi.
Il est une belle source d'inspiration. On apprend toujours des meilleurs."
(Propos recueillis par Benjamin Waldbaum) Très belle interview d'Amélie.
Encore bravo Amé pour cette superbe année !